Lettre ouverte à Brigitte Macron

IED • 10 décembre 2025

Madame,


Dimanche soir, aux Folies Bergère, vous avez prononcé ces mots à l'attention de militantes féministes : « S'il y a des sales connes, on va les foutre dehors. »


Ces propos, filmés et diffusés, ont été authentifiés par votre entourage.


Deux jours plus tôt, vous promettiez à Olena Zelenska, épouse du président ukrainien, toute votre aide — y compris financière — pour venir en secours aux femmes et aux enfants victimes de la guerre. Les caméras tournaient, les flashs crépitaient, l'émotion était de mise. Était-ce aussi de la figuration ? Discours humanitaire pour les journaux du soir ? Comment concilier cette main tendue aux victimes ukrainiennes avec le poing levé contre les militantes françaises qui osent défendre les victimes de violences sexuelles dans leur propre pays ? Les femmes méritent-elles votre compassion uniquement lorsqu'elles souffrent à des milliers de kilomètres, sous l'œil des photographes officiels ?


Certains, pour votre défense, s'empressent déjà de plaider que vous avez été filmée à votre insu. Et alors ? Depuis quand la sincérité est-elle une circonstance atténuante pour le mépris ? Ce que révèle une caméra cachée, c'est précisément ce que l'on pense vraiment.


La Première dame de France n'est pas une citoyenne ordinaire qui pourrait se permettre des apartés dans l'intimité d'une loge.


Vous occupez une fonction — non élue, certes, mais symbolique et puissante — qui vous confère des responsabilités et des devoirs envers le peuple français. Ce peuple compte des millions de femmes victimes de violences. C'est à elles que vous devez des comptes, pas à vos amis du showbiz.


Nous aurions pu attendre de vous, épouse d'un président qui a fait des violences faites aux femmes « la grande cause du quinquennat » en 2017, puis réitéré cet engagement il y a quelques semaines, un tout autre message. À la place, vous avez choisi l'insulte. Vous avez choisi de rassurer un homme accusé de viol — qu'un non-lieu ne transforme pas en innocent, mais simplement en homme non poursuivi — plutôt que de témoigner la moindre considération pour celles qui portent la voix des victimes.


Un non-lieu n'est pas un acquittement. C'est une décision qui dit : les charges sont insuffisantes pour aller au procès. Il ne dit rien ni de la vérité ni de la souffrance d'une plaignante. Il ne dit rien des ITT constatés. Il dit seulement que notre système judiciaire, faute de moyens, de formation, d'enquêteurs spécialisés, échoue — dans l'immense majorité des cas — à mener ces affaires jusqu'au bout.


La prise en charge des violences sexuelles dans notre pays n'est pas défaillante, Madame. C'est un carnage . Un carnage pour les victimes qu'on abandonne. Un abattoir pour la confiance dans nos institutions. Et vous, plutôt que d'incarner l'espoir d'un changement, vous riez en coulisses avec ceux qui n'ont jamais rien à craindre de ce système.


Car il faut parler d'eux aussi — ce parterre de courtisans qui vous entourait ce soir-là. Manuel Valls, Claude Lelouch, Bernard Montiel, et tous les autres. Ces habitués des premières loges qui traversent les quinquennats et les scandales sans jamais être éclaboussés, sans jamais prendre parti, sans jamais risquer quoi que ce soit. On les imagine déjà, à table, en ville, mimant votre réaction avec délectation : «

Tu as vu Brigitte ? Formidable! Elle leur a dit leurs quatre vérités, à ces hystériques ! » Ils applaudiront, ils riront, ils se congratuleront de leur entre-soi préservé.


Gilbert Bécaud chantait l'indifférence : ceux qui regardent passer le monde sans jamais s'y mêler, qui haussent les épaules devant l'injustice pourvu que leur confort soit sauf. Votre soirée aux Folies Bergère les a confirmés dans ce rôle qu'ils tiennent depuis toujours : spectateurs professionnels, jamais concernés, toujours du bon côté du pouvoir; l'incarnation même de cette France qui détourne le regard quand une femme parle, qui change de trottoir quand une victime témoigne.


Alors que des femmes se battent pour que la parole des victimes soit enfin entendue, vous avez choisi votre camp. Non pas celui des « grandes causes » brandies dans les discours officiels, mais celui des rires en coulisses, des photos complices, des puissants qui se serrent les coudes.


Ces « sales connes » que vous promettez de faire expulser, ce sont des femmes. Des militantes. Des citoyennes qui exercent leur droit de manifester, d’interpeller, de refuser le silence. Ce sont peut-être aussi des victimes. Ce sont certainement des sœurs, des filles, des amies de victimes.


Vos mots ne resteront pas dans les coulisses d'un théâtre. Ils résonnent désormais comme un aveu : pour le couple présidentiel, la « grande cause » n'était qu'un slogan. Les victimes n'avaient qu'à se taire.


Judith Godrèche l'a dit avec dignité : « Moi aussi je suis une sale conne. »


Nous sommes des millions.


Homayra Sellier

Fondatrice et Présidente Innocence en Danger

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