Lettre ouverte au Président de la République
Objet : Monsieur le Président, 20 enfants violés chaque heure pendant vos discours
Monsieur le Président de la République,
Pendant que vous prononcez des discours et multipliez les déclarations d'intention, toutes les trois minutes, un enfant est violé en France.
Toutes les trois minutes. Pensez-vous qu'ils aient le temps d'attendre ?
Pensez-vous que ces enfants puissent patienter pendant que les réformes s'enlisent dans les commissions, que les rapports s'accumulent dans les tiroirs, que les promesses se diluent dans le temps politique ?
Chaque année, plus de 166 000 victimes sont recensées.
Chaque heure de retard, ce sont vingt enfants supplémentaires brisés, soit plus de quatre cents par jour.
Pendant que nous débattons, ils souffrent. Pendant que nous temporisons, ils se taisent. Pendant que nous attendons le « bon moment politique », leur enfance s'évanouit dans la violence et le silence.
Depuis votre accession à la présidence en 2017, la protection des enfants – qu'il s'agisse d'Internet ou des institutions censées les défendre – demeure un chantier inachevé, malgré une urgence devenue criante.
Associations, magistrats, travailleurs sociaux et experts n'ont cessé d'alerter et de proposer des solutions concrètes, prouvées efficaces dans d'autres démocraties, pour lutter contre les prédateurs en ligne et soutenir les milliers d'enfants victimes de violences.
Huit ans plus tard, ces propositions sont restées sans suite, les promesses ministérielles demeurées sans application réelle, et les moyens alloués inexistants. Pendant ce temps, les associations de protection des enfants accomplissent, avec des moyens dérisoires, le travail qui devrait relever de l'État. Ces ONG se donnent un mal que vous ne pouvez même pas imaginer pour ne pas lâcher les victimes, épuisant leurs bénévoles et leurs maigres budgets dans une bataille quotidienne contre l'urgence. Elles pallient les défaillances d'un système institutionnel qui devrait les soutenir. Pendant que ces associations se battent avec des bouts de ficelle, que font les services publics payés pour accomplir ce travail ? Où sont les moyens promis ? Où est la coordination attendue ? Toutes leurs tentatives d'obtenir de l'aide échouent année après année, tandis que les besoins explosent et que les enfants attendent.
Pendant que vos gouvernements se concentraient sur les réformes économiques et la compétitivité, la France assistait à une tragédie silencieuse. Les services de protection de l'enfance sont sous-financés, les travailleurs sociaux épuisés, les juges débordés, les pédopsychiatres submergés. Les signalements s'accumulent sans suite, et les drames se répètent. Derrière chaque statistique, il y a des vies. Parmi elles, les plus fragiles : nos enfants.
Sur Internet, aucun dispositif de protection d'envergure n'a vu le jour. Les grandes plateformes opèrent trop souvent en toute impunité, tandis qu'une société française s'est même vantée d'offrir à ses abonnés un VPN intégré, permettant de contourner les contrôles d'âge sur les sites pornographiques. Ce manquement fragilise directement la protection des mineurs, et a été dénoncé par le député Thierry Sother auprès de l'Arcom. Votre silence sur ce dossier interroge.
La souveraineté numérique commence par l'éthique et la transparence de nos propres acteurs nationaux. Sans cela, toute ambition de protection des mineurs restera illusoire. La protection des enfants ne passe ni par la censure ni par la surveillance de masse, mais par des actions concrètes : responsabiliser les plateformes, former les professionnels, renforcer la coopération internationale.
Monsieur le Président, sans paternité biologique, vous auriez pu incarner une paternité encore plus grande : celle d'un homme d'État envers tous les enfants de France. Gouverner, ce n'est pas seulement gérer des budgets ou arbitrer des priorités économiques : c'est protéger, veiller et prendre soin de ceux qui ne peuvent se défendre.
Les violences faites aux enfants coûtent des milliards chaque année : altération de la santé, scolarité compromise, insertion sociale entravée, coûts judiciaires et pénitentiaires vertigineux. Chaque euro non investi aujourd’hui entraîne dix euros de réparation demain. Même d’un point de vue comptable, l’inaction est une erreur.
Cette lettre est un cri. Le cri de ceux qui travaillent auprès d’enfants en danger et qui manquent de tout. Le cri des familles d’accueil, des éducateurs, des soignants, des juges, et surtout le cri silencieux de ces milliers d’enfants qui souffrent encore dans l’ombre.
Sans accompagnement véritable, le risque que ces enfants victimes reproduisent les violences subies demeure alarmant. Protéger un seul enfant peut briser ce cycle destructeur et préserver d'innombrables vies futures.
Il est encore temps d’écouter ceux qui proposent des solutions éprouvées, d’agir avec courage, et de faire de la protection de l’enfance une véritable priorité nationale. Car une nation qui ne protège pas ses enfants renonce à son avenir. Et un gouvernement qui laisse ses enfants en danger oublie l’essentiel.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.
Homayra Sellier
Fondatrice et Présidente Innocence en Danger