Affaire proxénétisme sur mineures à Bordeaux

IED • 26 septembre 2025

Constitution de Partie Civile • 15 septembre 2025


Les Faits :


2 individus girondins ont été jugés pour proxénétisme aggravé sur 5 adolescentes âgées de 13 à 15 ans, toutes placées à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).


L’enquête a débuté entre 2021 et 2022 à Mérignac, et les faits ont été révélés fin 2022 par le Centre départemental de l’enfance et de la famille à Eysines. 


Le principal prévenu aurait recruté cinq adolescentes, toutes placées à l’ASE, pour les pousser à se prostituer moyennement argent et produits stupéfiants.


Un jeune homme de 25 ans a également été jugé pour complicité, soupçonné d’avoir servi d’intermédiaire.


Constitution Innocence en Danger


Innocence en Danger s’est constituée partie civile dans cette affaire. 


Représentée par Maître Margot Saure, l’association entend à nouveau alerter l’opinion publique sur la recrudescence du proxénétisme de mineurs en France par de très jeunes adultes voire des mineurs. 


Ce procès soulève également des questions fondamentales concernant la responsabilité des institutions censées protéger ces mineur.e.s.


Procès du 15 au 17 septembre 2025


Compte rendu de Maitre Margot Saure sur le déroulé du procès :


« A la barre ont pu se succéder les victimes, toutes de très jeunes filles (de 14 à 17 ans) extrêmement vulnérables, placées dans un foyer dès l'enfance avec des parcours de vie particulièrement cabossés. Des proies faciles, multi carencées, en recherche d'affection et fascinées par ce que nous nommons dans ces dossiers "le phénomène Zahia ou Pretty Woman" : certaines ont pu dire "je me sentais exister" ou "pour une fois je me sentais importante" comme si leur activité prostitutionnelle permettait de reprendre le lead et contrebalancer de façon artificielle d'importantes carences affectives. Une forme d'emprise se met aussi en place, les proxénètes, qu'elles nommaient de façon totalement dissonante "leur protecteur", leur laissant souvent miroiter une possible relation sentimentale ... 


Elles ont pu raconter comment elles ont été approchées par ces proxénètes qui venaient directement les chercher aux portes de leur foyer et les abreuvaient en stupéfiants afin qu'elles puissent exécuter parfois jusqu'à 10 passes par jour... 


Les stupéfiants sont réellement un moteur dans ces dossiers : les proxénètes fournissent à ses mineurs cocaïne, ecstasy, cannabis qui sont parfois, et de manière illusoire bien sûr, plus efficaces que les antidépresseurs ou anxiolytiques qui leur sont prescrits au vu de leur parcours de vie. Les filles deviennent rapidement dépendantes à ces substances et, faute de moyen, créent des dettes auprès de leur proxénète, qu'elles remboursent via leur activité prostitutionnelle. 


A l'audience, beaucoup racontaient être en état dissociatif permanent, l'une d'elle ayant même pu me dire "ce n'est pas grave car ce n'est pas la réalité", tant les substances et la dissociation l'ont déconnecté de son corps au moment des passes. 


Les membres du foyer ont également été appelés à témoigner et j'ai pu les questionner sur la présence de réseaux de prostitution au sein de leur foyer. 


En synthèse : 


- La prostitution des jeunes filles est un phénomène omniprésent dans les foyers (certain éducateur ne s'en offusquait même plus..) ; Ils indiquent n'avoir aucun moyen pour retenir les jeunes filles au sein de la structure et être pourtant bien conscients de leur activité prostitutionnelle : certaines filles sortent le soir maquillées et habillées en conséquence, verbalisant directement à leur éducateur "je vais travailler". 

Un uber est la plupart du temps présent devant le foyer pour les récupérer. 

Selon leurs dires, certaines regagnent le foyer seulement quelques jours, parfois quelques semaines, plus tard dans un "état déplorable" pour reprendre leur terme. Je les ai questionnés sur le protocole mis en place dans ce type de situation : sans surprise, aucune hospitalisation, ni même une simple consultation médicale. 


- Lorsqu'une jeune fille fugue, sa disparition est signalée au bout de 48h seulement. Le motif de la plainte est "disparition inquiétante". Aucune plainte pour suspicion de proxénétisme. 


- Des notes sont faites aux départements en charge mais bien souvent rien n'est fait ...


Enfin, et comme c'est le cas dans ce type de dossier, aucun des clients n'a été poursuivi alors que les annonces mises en ligne par les proxénètes ne laissaient que peu de doute sur la minorité des filles. Certaines filles ont pu me dire que la plupart des clients recherchaient justement cela....


Concernant les accusés, aucun ne reconnaissait les faits et ne voulait réellement répondre aux questions. J'aurais aimé que cette audience puisse nous permettre de comprendre un peu mieux comment se nouait la relation, l'emprise victimes/proxénètes, mais nous nous sommes réellement retrouvés face à un mur… Quant à l'organisation "matérielle" du proxénétisme qui a pu être objectivée via la téléphonie notamment, rien de nouveau... Ces trafics répondent malheureusement à l'organisation que l'on peut retrouver dans les trafics de stup.


L'accusé principal, Monsieur SAINT ELI, a été condamné à 15 ans de réclusion criminelle. 


Monsieur BOLOSIER a été condamné à 2 ans de sursis probatoire. Etant entré lui-même dans la prostitution à l'âge de treize ans, il était compliqué de savoir s'il avait réellement conscience de ces actes, d'autant qu'il n'en tirait pour sa part aucun profit. 


Enfin, je constate à chacune de ces audiences que la notion de proxénétisme est extrêmement mal comprise par les accusés et les victimes ce qui pose quelques difficultés... »


Maitre Margot Saure, avocate Innocence en Danger.


NB : L'année 2024 est réellement une année noire puisqu'on estime à 22 000 le nombre de mineurs qui se prostituent (c'est bien sur une estimation car il s'agit de trafic occulte). Pour comparaison, en 2019 ce chiffre était de 9 000...



Articles sur le procès :


Le figaro, article du 17 septembre 2025


France Bleu, article du 17 septembre 2025



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