Affaire Preynat : des aggressions sexuelles étouffées par l’église

Constitution de Partie Civile • août 16, 2018

Entre 1978 et 1991, le prêtre Bernard PREYNAT aurait agressé sexuellement plusieurs petits garçons, scouts de la paroisse Saint-Luc.


En janvier 2016, Bernard PREYNAT, prêtre à la paroisse Saint-Luc à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône), est mis en examen pour agressions sexuelles sur mineurs. L’enquête révèlera que le cardinal BARBARIN, ainsi que d’autres membres de l’Église, étaient au courant des soupçons de pédophilie pesant sur ce prêtre, depuis 2007-2008. Jamais le diocèse de Lyon n’a saisi la Justice. Pourtant, ce n’est pas moins de quatre alertes qui ont été données depuis 1978. Les victimes, regroupées en association (La Parole Libérée), décident de saisir la Justice plusieurs années après les faits. Pour certaines il sera trop tard : le mécanisme de la prescription a joué. La mise en examen du prêtre est accompagnée de l’ouverture d’une enquête contre le cardinal BARBARIN pour non-dénonciation de crime. Enquête qui, classée sans suite en août 2016, sera relancée par une citation directe orchestrée par La Parole Libérée, qui refuse cette absence de jugement. Le procès contre Monseigneur BARBARIN est prévu en septembre 2018, tandis que celui contre le prêtre PREYNAT devrait avoir lieu avant 2018.

 

Les faits

Si les faits d’agressions sexuelles commis par le Père PREYNAT sont avérés, il n’en reste pas moins que, du fait de la prescription, de nombreuses victimes n’ont pas leur place au procès. De plus, le cardinal BARBARIN ainsi que trois autres membres du diocèse de Lyon étaient, depuis plusieurs années, au courant des faits criminels, sans jamais en avertir les services de police.


Le diocèse de Lyon au courant des soupçons de pédophilie du père Preynat

C’est en 1978 qu’a lieu le premier signalement de pédophilie auprès du diocèse de Lyon. Une famille dénonce un prêtre, le Père PREYNAT, qui aurait commis des attouchements sexuels sur leur fils. Le diocèse de Lyon convoque le prêtre et le prie de « ne pas recommencer ». En 1982, un deuxième signalement a lieu, puis un troisième en 1985 et enfin une quatrième alerte est donnée en 1990. C’est seulement cette année-là que le Père PREYNAT est mis à l’écart et envoyé chez les sœurs pendant six mois pour, en 1991, être déplacé dans une paroisse de la Loire.

Lors de ses convocations par les cardinaux, le prêtre a toujours affirmé qu’il s’agissait de faits « isolés », et qu’il n’était pas un pédophile actif. Pourtant, d’après l’association La Parole Libérée, c’est plus de soixante-dix victimes qui ont été identifiées. Ces agressions, commises entre 1978 et 1991 sur treize scouts de moins de quinze ans de la paroisse Saint-Luc à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône), ont été couvertes par les différents cardinaux qui se sont succédé à Lyon : Mgr DECOURTRAY, Mgr BALLAND, Mgr BILLÉ et enfin Mgr BARBARIN, dernier en date. Le Cardinal BARBARIN affirme n’avoir été au courant des soupçons de pédophilie du prêtre qu’en 2007-2008. Pourtant, quatre signalements au diocèse de Lyon ont eu lieu entre 1978 et 1991 et si Mgr BARBARIN n’y officiait pas encore, ses prédécesseurs ont certainement eu échos des soupçons d’abus sexuels du Père PREYNAT. Pire encore, le Pape François en personne annonce son soutien au cardinal BARBARIN le 17 mai 2016, malgré l’ouverture d’une enquête contre ce dernier pour non-dénonciation de crime.

 

Le courage des victimes permettant des enquêtes approfondies

Les victimes du Père PREYNAT décident enfin de briser le silence : avec courage et dignité, elles se rassemblent dans une association : La Parole Libérée. Plusieurs plaintes sont déposées contre le prêtre pour agressions sexuelles. Le prêtre est donc placé en garde-à-vue le 25 janvier 2016 puis rapidement il avoue les faits reprochés et est mis en examen pour agression sexuelle sur mineurs. Il est laissé en liberté et placé sous contrôle judiciaire. À ce moment, le diocèse de Lyon dit n’avoir eu connaissance de ces faits qu’en 2014. Ce n’est qu’en février 2016 que Mgr BARBARIN admettra avoir été au courant depuis 2007-2008.

Puis quatre plaintes sont déposées contre le Cardinal BARBARIN pour non-dénonciation de crime à la fin du mois de février 2016, une enquête préliminaire est ouverte, le juge d’instruction estimant que les faits ne sont pas prescrits. La Défense refuse cette absence de prescription et interjette appel devant la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Lyon qui confirme la décision du juge le 10 juin 2016 : les faits ne sont pas prescrits et peuvent donc être jugés. La Défense n’en reste pas là et se pourvoi en cassation : la Cour de cassation, le 13 octobre 2016, a jugé que le pourvoi ne pouvait être tranché à l’heure actuelle. Ainsi, la Cour refusant de se prononcer, les faits ne sont pas prescrits.

L’enquête ouverte contre le Cardinal pour non-dénonciation de crime est classée sans suite par le Parquet le 1er août 2016. Mais les victimes, via La Parole Libérée, ne se laissent pas faire. Certes le premier coupable est le Père PREYNAT, mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, mais la complicité du Cardinal BARBARIN et son silence ont largement contribué au malaise ressenti par les victimes. L’association procède donc, le 23 mai 2017, à la citation directe pour sept personnes dont Mgr BARBARIN pour non-dénonciation de crime, déposée au Tribunal correctionnel de Lyon. Cette citation directe est accompagnée de la constitution de partie civile de dix victimes, même si pour la moitié d’entre elles, les faits sont prescrits. Mais ce mardi 11 juillet 2017, cette seconde enquête a, à nouveau, fait l’objet d’un classement sans suite. Le Diocèse de Lyon se félicite évidemment de cette décision, pourtant lourde de conséquences pour les victimes. Le procès du Père PREYNAT, quant à lui, devrait avoir lieu avant l’année 2018.

 

L’implication d’Innocence en Danger

Innocence en Danger s’est constituée partie civile dans le cadre de l’instruction : L’association vient en soutien à l’intérêt des victimes et contribue activement à la recherche de la vérité. En effet, en tant que partie civile, elle peut, durant l’instruction, réaliser des demandes d’actes devant le juge d’instruction. Il peut s’agir de contre-expertises, compléments d’expertises, audition de témoins, etc… que le juge d’instruction est libre d’accorder ou non.

 

Informations complémentaires

Où en est l’affaire ?Actuellement, l’instruction est toujours en cours.

Avocate d’Innocence en Danger : Maître Marie GRIMAUD (retrouvez son interview concernant la pédophilie au sein de l’Église ici).


Les médias en parlent :

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