Inaya : des parents meurtriers

Constitution de Partie Civile • juil. 12, 2017

Le corps d’Inaya, vingt mois, est retrouvé plus d’un an après son décès, enfermé dans des sacs poubelles enterrés dans la forêt de Fontainebleau. 


Bushra TAHER SALEH et Grégoire COMPIEGNE sont les parents de trois enfants : Naïm l’aîné, Inaya, et Yasmine la petite dernière, née en 2011. Les services sociaux suivent la famille pour des faits de maltraitance depuis plusieurs années. Mais malgré les visites régulières au domicile des parents, personne ne remarque l’absence d’Inaya durant toute l’année 2012. Plus encore, après leur placement en famille d’accueil suite à des faits de maltraitance de la part du père, les enfants seront à nouveau confiés à leurs parents. Malgré les lourds antécédents familiaux et une condamnation du père pour maltraitance sur Naïm, les services sociaux n’agissent que trop peu. S’ils réagissent enfin suite aux déclarations de l’une des institutrices de l’aîné qui soupçonne la maltraitance sur Naïm, ce n’est que bien trop tard. Inaya, décédée sous les coups de ses parents depuis plus d’un an, est retrouvée enterrée dans la forêt de Fontainebleau le 23 janvier 2013. Le décès remonterait au début de l’année 2011, soit presque deux ans avant la découverte du corps. Comment les services sociaux qui suivaient la famille depuis plusieurs années n’ont-ils pas remarqué la disparition d’Inaya ? Une fois encore, nos services publics chargés de la protection de l’enfance n’ont pas agi avec toute la rigueur qu’imposait la situation d’espèce. La petite Inaya est décédée des suites de cette négligence.

 

Les faits

Le 10 avril 2010, Inaya voit le jour. Fille de Grégoire COMPIEGNE et Bushra TAHER SALEH, déjà parents d’un petit garçon de cinq ans, Naïm, elle n’aura pas le temps de goûter aux joies de l’enfance et à l’innocence de son jeune âge. Très rapidement, les sévices s’enchainent et se ressemblent. Naïm et Inaya sont victimes de la violence de leurs parents. Les services sociaux, informés des faits de maltraitance du père, n’agissent pas. Si Naïm résistera aux coups, Inaya succombera à la folie meurtrière d’un adulte.

 

Une violence parentale connue des services sociaux

Les parents de la petite Inaya ne sont pas inconnus des services sociaux, ni des services de police. Le père, Grégoire COMPIEGNE, a été condamné en 2010 à six mois d’emprisonnement pour avoir battu son fils, Naïm. La peine, pourtant, ne convaincra pas les services sociaux du danger de la situation familiale pour les enfants. En effet, si le 12 mai 2010, les enfants sont hospitalisés et placés en famille d’accueil durant plusieurs mois suite à des faits de maltraitance parentale, les services sociaux confieront à nouveau les enfants à leurs parents malgré l’apparente gravité de la situation.

Ainsi quelques mois plus tard, Inaya décède sous les coups portés par ses parents. Si la date précise du décès n’est pas connue, la petite fille serait morte entre le mois décembre 2011 et janvier 2012. Il est presque étonnant qu’elle n’ait pas succombé plus tôt, puisqu’un mois environ avant son décès, les parents ont donné une douche brûlante à leur fille, entrainant des brûlures graves qui n’ont jamais été soignées.

Pour cacher la disparition d’Inaya, les parents mettent en place un incroyable stratagème, pourtant connu des services sociaux. Grégoire COMPIEGNE et Bushra TAHER SALEH ont eu un troisième enfant, né le 17 juillet 2011 : Yasmine, une petite fille dont l’existence demeure cachée. Les parents cachent l’existence de Yasmine, et lorsqu’Inaya décède, ils la remplacent par la petite dernière afin de ne pas éveiller les soupçons sur la disparition d’Inaya. Si ce fin stratagème a pu avoir raison de l’ignorance du voisinage, il n’excuse en rien l’inaction des services sociaux qui, rendant régulièrement visite à la famille avant même le décès d’Inaya, ont nécessairement eu connaissance de l’existence d’un troisième enfant. Lorsqu’ils se décideront à agir, il sera trop tard.

 

L’enquête, des aveux conduisant à la découverte du corps d’Inaya

Plusieurs mois après la date supposée du décès d’Inaya, l’institutrice de Naïm avertit les services sociaux de son absence répétée à l’école et de la découverte d’ecchymoses sur son corps. Les services sociaux, forcés d’agir, rendent alors visite à la famille et constatent, enfin, la disparition d’Inaya. Les services de police en sont avertis et ouvrent alors une enquête. Les parents sont placés en garde-à-vue et la mère, Bushra TAHER SALEH ne cesse de changer de version des faits. Elle accuse tout d’abord Naïm, le grand frère d’Inaya, d’avoir poussé violemment sa sœur, puis elle s’accuse elle-même et explique avoir secoué violemment Inaya, enfin, elle accuse son compagnon d’avoir frappé la petite fille. Mais ce dernier, interrogé à son tour, nie les faits et renvoie la culpabilité à sa compagne. Le seul point d’accord entre les deux amants est le suivant : ils ont, ensemble, enterré le corps d’Inaya dans la forêt de Fontainebleau, à tout juste 800 mètres du domicile familial, à Avon. Les enquêteurs se rendent au lieu indiqué le 23 janvier 2013 et découvrent l’impensable : le corps de la petite fille de vingt mois à peine est enterré à environ 45 centimètres sous terre, entouré de plusieurs sacs poubelles. Le couple est mis en examen le 24 janvier.

 

Le procès, une condamnation exemplaire mais tardive

Le 6 novembre 2015, la cour d’assises de Seine-et-Marne, à Melun, rend son verdict. Grégoire COMPIEGNE et Bushra TAHER SALEH sont condamnés respectivement à trente et vingt ans de réclusion criminelle pour violences habituelles ayant entrainé la mort sur mineur de moins de quinze ans. La condamnation paraît exemplaire en ce qu’elle dépasse les réquisitions de l’avocat général, Monsieur Marc MULET qui réclamait une condamnation à vingt-cinq années de réclusion pour le père et quinze ans pour la mère. Malheureusement, il aura fallu attendre la mort d’Inaya pour que les enfants soient définitivement protégés. Les avocats de la Défense, qui avait plaidé chacun pour l’acquittement de leur client, interjettent appel de la décision rendue par la cour d’assises.

Le procès en appel se tient à Bobigny et la cour rend son verdict le 30 mars 2017 : elle aligne alors les condamnations des deux accusés et prononce une peine de trente années de réclusion criminelle pour le père mais aussi pour la mère, jugeant qu’ils avaient agi à parts égales. Une décision encore une fois plus sévère que les réquisitions de l’avocat général, Monsieur Bernard FARRET, qui réclamait en appel vingt-cinq années de réclusion pour les deux parents.

On peut se réjouir du verdict qui a condamné les coupables à la hauteur de leurs actes. Ces peines, tout à fait exceptionnelles, dépassant les réquisitions de l’avocat général, soulignent une décision innovante. C’est notamment grâce aux avocats des parties civiles (dont Me GRIMAUD, avocate d’IED) que la Cour et le jury ont fait preuve d’une grande fermeté sans se laisser envahir par le sentimentalisme prisé par la Défense. La justice n’a pas failli à sa mission, et si Inaya y a laissé la vie, cette décision a certainement sauvé celles de son frère Naïm et de sa petite sœur Yasmine.

 

L’implication d’Innocence en Danger

Innocence en Danger s’est constituée partie civile dans le cadre de l’instruction : L’association vient en soutien à l’intérêt des victimes et contribue activement à la recherche de la vérité. En effet, en tant que partie civile, elle peut, durant l’instruction, réaliser des demandes d’actes devant le juge d’instruction. Il peut s’agir de contre-expertises, compléments d’expertises, audition de témoins, etc… que le juge d’instruction est libre d’accorder ou non.

Innocence en Danger se joint à une autre association pour attaquer l’État français pour faute lourde : du fait des dysfonctionnements flagrants des services sociaux dans l’affaire Inaya, Innocence en Danger accompagne une autre association dans sa demande de condamnation de l’État français. La décision devrait être connue rapidement.

 

Informations complémentaires

Où en est l’affaire ? Le verdict a été rendu en second ressort par la Cour d’appel qui confirme la décision rendue en première instance. 

Avocat général lors du procès : Monsieur Marc MULET en première instance et Monsieur Bernard FARRET en appel. 

Avocate représentant Innocence en Danger : Maître Marie GRIMAUD 


Les médias en parlent :

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