Dominique cottrez : un octuple infanticide

Constitution de Partie Civile • juil. 12, 2017

Dominique COTTREZ procède, durant plusieurs années, à huit infanticides, dans le plus grand secret.


Le 24 juillet 2010, le nouveau propriétaire d’un logement à Villers-au-Tertre (Nord) découvre, en réalisant des travaux dans le jardin, des sacs plastiques enterrés. Il en avertit immédiatement les services de gendarmerie qui découvrent le corps de deux nouveau-nés dans les sacs en question. L’ancien propriétaire du terrain est le père de Dominique COTTREZ, une femme quarantenaire qui, lorsqu’elle sera interrogée par les enquêteurs, avouera être la mère des deux nourrissons retrouvés dans le jardin, mais également avoir tué six autres nouveau-nés, en précisant le lieu où les corps ont été cachés. Le mari de Dominique COTTREZ, Pierre-Marie COTTREZ, n’aurait pas été au courant de ces grossesses successives du fait de l’obésité dont souffrait sa femme. Lorsque l’instruction s’achève, sept des huit infanticides auraient été commis il y a plus de dix ans et ainsi, ne pourraient plus faire l’objet de poursuites du fait de l’extinction du délai de prescription de l’action publique. Innocence en Danger, refusant cet argument de la Défense, va conduire la Cour de cassation à, pour la première fois, reporter le point de départ du délai de prescription au jour de la découverte des faits et non au jour de leur commission. Il s’agit d’un véritable revirement de jurisprudence et d’une décision fondatrice permettant, en cas de dissimulation de cadavre empêchant le Ministère public d’agir et en présence d’un faisceau d’indices précis, d’attendre la découverte des corps afin d’engager le délai de prescription.

 

Les faits

L’octuple infanticide commis par Dominique COTTREZ va, non seulement par son caractère inédit, mais surtout pas les enjeux qu’elle relance en termes de prescription, déclencher de nombreux débats. Sept crimes sur huit ont été commis il y a plus de dix ans et devraient, à ce titre, être prescrits, c’est-à-dire qu’ils ne devraient plus pouvoir faire l’objet de poursuites et demeureraient, à ce titre, impunis. Mais la question subsiste : en l’absence totale d’indices permettant de déceler les meurtres des sept nouveau-nés, actes cachés par la mère, le point de départ du délai de prescription, initialement placé au jour de la commission des faits, ne devrait-il pas être repoussé au jour de la connaissance des crimes ?


Dominique cottrez, coupable ou victime ?

En janvier 1987, Dominique COTTREZ a 23 ans ; enceinte de son premier enfant, elle part accoucher à l’hôpital pour donner naissance à une petite fille : Emeline. Mais l’intervention est très mal vécue par la mère qui, déjà en surpoids à l’époque, aurait été victime de moqueries et d’humiliations par la sage-femme en charge de son accouchement. Depuis ce jour, Dominique COTTREZ refuse tout contact avec le milieu hospitalier, et c’est ainsi qu’elle donne naissance, un an plus tard, chez elle avec l’aide de son mari, à un deuxième enfant : Virginie. Ce fût le dernier enfant qu’elle garda vivant. En effet, entre 1989 et 2000, ce n’est pas moins de huit néonaticides (homicide commis sur un enfant né depuis moins de 24h) qui ont été commis par la mère.

La méthode pratiquée par la mère est sinistre : n’informant personne de ses grossesses, elle accouche seule dans les toilettes de sa maison puis, à l’aide d’une serviette, étouffe le nouveau-né. Ce macabre scénario se répète huit fois. Une fois le nourrisson décédé, elle place le corps dans un sac poubelle et, excepté les deux premiers corps enterrés dans le jardin de la première propriété, elle place les autres dans le garage ou le grenier de sa nouvelle maison. Son mari, Pierre-Marie COTTREZ, a toujours nié avoir été au courant de ces accouchements clandestins du fait de l’obésité de sa femme.

C’est le 24 juillet 2010 que les premiers corps sont découverts : le nouveau propriétaire de la demeure dans laquelle résidait Dominique COTTREZ trouve deux sacs plastiques enterrés dans le jardin. Il fait appel aux services de gendarmerie d’Arleux qui découvrent à l’intérieur deux corps de nouveau-nés. Suite à cette découverte, ils interrogent Dominique COTTREZ, la fille de l’ancien propriétaire, le 27 juillet 2010. Cette dernière avoue immédiatement le meurtre de six autres nourrissons en indiquant le lieu où se trouvent les corps. Une instruction est ouverte durant laquelle Dominique COTTREZ tentera de justifier ses actes par des viols qu’elle aurait subi de la part de son propre père. Craignant que les enfants qu’elle portait ne soient de lui, elle aurait accouché clandestinement et tué les nourrissons. Mais, lors du procès en 2015, elle avouera avoir menti et n’avoir jamais été agressée sexuellement par son père. Dominique COTTREZ, placée en détention provisoire, obtiendra une remise en liberté sous contrôle judiciaire en août 2012 dans l’attente du procès.

 

Un procès inédit en termes de prescription

En raison de la date approximative de commission des infractions, sept infanticides sur huit ne pourraient être poursuivis en raison de l’extinction de l’action publique. Innocence en Danger, partie civile dans cette affaire, refuse cette impunité et demande, in fine, le jugement de Dominique COTTREZ pour les huit infanticides. En juin 2013, la Cour d’appel de Douai renvoie Dominique COTTREZ devant la Cour d’assises et accepte donc le report du point de départ du délai de prescription. Les avocats de la Défense se pourvoient en cassation afin de dénoncer cette décision contra legem (contraire aux dispositions légales) et de faire valoir l’efficacité de la prescription. En octobre 2013, la Cour de cassation annule la décision de renvoi devant la Cour d’assises et se range donc aux côtés des prétentions de la Défense.

La Cour de cassation renvoie l’affaire à la cinquième Chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris qui, le 19 mai 2014, estime que la prescription n’est pas acquise et que l’accusée peut ainsi être jugée pour les huit assassinats reprochés. La Défense forme un ultime pourvoi en cassation. Durant l’audience, Maître Marie GRIMAUD, avocate d’Innocence en Danger, rappelle l’admission du report du point de départ de la prescription pour l’infraction d’abus de biens sociaux : ainsi, la protection des biens passerait avant la protection des personnes. La Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière (formation la plus prestigieuse de la Cour, elle est chargée des affaires sensibles et complexes), rend son verdict le 7 novembre 2014 et retient, pour la première fois en matière de droit pénal des personnes, le concept d’infraction dissimulée dont le point de départ du délai de prescription est fixé au jour de la découverte des faits et non au jour de leur commission.

 

La prescription de l’action publique, c’est quoi ?

La prescription est un mécanisme de droit français entrainant, une fois un certain délai écoulé, l’impossibilité de poursuivre une infraction et de la juger. Pour les crimes, ce délai est depuis 2017 de vingt ans, il était de dix ans auparavant. Le point de départ du délai de prescription est en principe fixé au jour de la commission de l’infraction, et non pas au jour de sa découverte. C’est en cela que l’affaire COTTREZ et l’intervention d’Innocence en Danger est inédite, la Cour de cassation acceptant de fixer le point de départ non pas au jour de la commission de l’infraction (jour de l’assassinat des nouveau-nés) mais au jour de la découverte de l’infraction (24 juillet 2010).

Ainsi, le procès de l’affaire COTTREZ s’ouvre pour huit meurtres sur mineur de moins de quinze ans devant la Cour d’assises du Nord, à Douai, le 25 juin 2015. Le 29 juin, cinquième jour de procès, Dominique COTTREZ avoue ne jamais avoir été victime d’inceste par son père. Le 2 juillet 2015, la Cour et le Jury condamnent l’accusée à neuf années d’emprisonnement.

Une peine dérisoire eu égard à la gravité des actes, à leur répétition, et un comportement étonnamment bienveillant envers une femme qui, afin de se disculper, n’a pas hésité à accuser son propre père. Malgré la confession de son mensonge, l’accusée a convaincu les jurés. Huit vies brisées, et seulement neuf années d’emprisonnement, Dominique COTTREZ a été punie à hauteur d’un délit, et non d’un crime. 

 

L’implication d’Innocence en Danger

Innocence en Danger s’est constituée partie civile dans le cadre de l’instruction : L’association vient en soutien à l’intérêt des victimes et contribue activement à la recherche de la vérité. En effet, en tant que partie civile, elle peut, durant l’instruction, réaliser des demandes d’actes devant le juge d’instruction. Il peut s’agir de contre-expertises, compléments d’expertises, audition de témoins, etc… que le juge d’instruction est libre d’accorder ou non. L’association est par la suite intervenue devant l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation du fait de sa qualité de partie civile durant l’instruction. Elle obtient gain de cause lors du verdict rendu le 7 novembre 2014, décision qui fait jurisprudence. 

 

Informations complémentaires

Où en est l’affaire ? Le procès a eu lieu et le verdict a été rendu. 

Avocat général lors du procès : Monsieur Éric VAILLANT 

Avocate d’Innocence en Danger devant l’Assemblée Plénière : Maître Marie GRIMAUD 


Les médias en parlent :

Communiqué de presse d’Innocence en Danger concernant le refus de constitution de partie civile lors du procès d’assises : http://artherapievirtus.org/VPI/affaire-dominique-cottrez-cour-dassises-de-douai-communique-de-innocence-en-danger/ 

 En savoir plus sur la récente réforme de la prescription : http://www.village-justice.com/articles/Reforme-prescription-penale-allongement-des-delais-prescription-traitement,24560.html

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